Chronique
Alors voilà, je passais chez un vendeur de cd d'occaz, et là je me suis
arrêté face au rayon vynile parce qu'une pochette a attiré mon
regard. Une pochette que n'importe quel véritable amateur de rock a
déjà au moins vu, parce qu'elle marque ^^ Elle a quelque chose de
dérangeant, qui pourrait nous faire rester la contempler pendant 15 minutes
(comme un con je vous l'accorde) à en observer les détails et en
déchiffrer le sens.
Il était à 12€, j'ai sauté sur l'occasion *w*
King Crimson - In the Court of the Crimson King (1969)
1. 21st Century Schizoid Man
2. I Talk to the Wind
3. Epitaph
4. Moonchild
5. The Court of the Crimson King
Pour
être clair, on peut aimer ou ne pas aimer, là n'est pas la question ;
mais je pense que c'est une expérience intéressante à tenter, de se laisser transporter par ces 5 morceaux, même si
au final cela ne nous plaît pas. Je vous assure, vous avez plus à y
gagner qu'à y perdre.
Vous aurez remarqué que le monsieur, sur la pochette, il fait limite peur -_- Ce visage figé exprime l'horreur, la folie, la démesure ; on
dirait presque la tête d'un homme qui se fait torturer. Pourtant il
détourne les yeux, et lorsqu'on regarde le dos du vynile, on voit qu'en réalité son visage se déforme, son oreille droite se tord et
se démultiplie. Donc, rien d'étonnant au fait que la folie le gagne ^^'
•
Maintenant, posez le vynile sur votre tourne-disque. La musique démarre,
quelques bruitages qui vous semblent avoir peu de sens...
Puis un
court silence, avant que ne s'entame cette musique jazzy, décalée,
peut-être un poil dérangeante comme si elle cachait quelque chose de
malsain ; notamment lorsque le ton augmente, avant que cette voix
robotisée, presque déchirante, ne vienne vous écorcher les tympans.
On
retrouve dans ce morceau - "21st Century Schizoid Man" - la
retranscription parfaite en musique de l'expression de l'homme sur la
pochette. Le son est très spécial, sûrement inédit pour vous ; plutôt
lourd, déstabilisant, il a définitivement quelque chose de fou,
d'hystérique, et de dérangeant.
• Cette ambiance pesante se
poursuit jusqu'à ce qu'une douce mélodie caresse vos oreilles, un calme
et apaisant son de flûte vous transporte dans la plus grande légéreté,
comme si vous vous envoliez avec le vent.
Vient de
débuter "I Talk to the wind", chanson qui vous place dans la passivité
la plus totale, avec toutefois un brin de tristesse. Après la folie, c'est la
douceur, l'apesanteur et un sentiment d'intimité qui vous gagne ; vous vous
sentez comme un oiseau dont on vient d'ouvrir la cage.
• En poursuivant l'écoute, on arrive
à "Epitath". Un peu comme un instant de vérité, un verdict.
Vous y trouvez un peu d'espoir, mais pourtant la mélancolie ne cesse de vous
gagner. Cet espoir vous donne au final autant de force qu'il peut vous affaiblir.
Chanson dont la décharge émotionnelle est la plus
frappante, et pilier central de l'oeuvre de King Crimson. Un peu comme si le désespoir
vous gagnait, que la mort vous guettait, et que vous vous résignez à
accepter votre sort. J'ai beau l'avoir écouté un million de fois, à
chaque fois elle me prend aux tripes.
• Puis une nouvelle mélodie démarre tout en douceur, l'instant "Moonchild". Vous vous endormez, et vous rêvez. De
choses qui n'ont certes en apparence pas de sens mais traduisent
peut-être vos envies les plus profondes. En rêve, vous laissez parler
ce qui en réalité tiendrait du moralement incorrect.
Ce morceau me
rappelle justement l'inconscient, tel qu'il est défini par Freud ;
une chanson à l'ambiance quelque peu mélancolique qui s'interrompt pour
faire place à une interlude se composant de multiples sons, expulsés
dans l'immédiat, comme sous l'effet d'une drogue.
• Puis
commence "The Court of the Crimson King", un savoureux concentré de
tout ce que vous avez écouté auparavant, un long et lent adieu (a long
slow goodbye, en référence à un autre groupe que j'affectionne) dans
une ambiance grave, triste mais solennelle, comme une véritable
élévation dans les cieux, sous fond de choeurs démarrant sur le mot
"king"...
Une oeuvre d'art se définit par une transcendance
de la simple technique et des normes habituelles, pour faire parvenir à
l'auditeur une musique qui, qu'importe son âge ou sa provenance, le
sentira de la même manière et en sera aussi touché.
In the Court of
the Crimson King est une peinture bouleversante, une fresque musical du
mouvement surréaliste, une exploration expérimentale de l'inconscient
qui en revient à la définition même de l'homme à travers les émotions
les plus fortes qu'il peut ressentir au court de sa... courte vie.
Je
conçois que le tout possède un son vieux, peut-être dépassé par moments
; la manière la plus simple de l'apprécier étant donc de s'affranchir
de toute notre 'expérience musicale' et de se laisser bercer.
A mes yeux, c'est un album à écouter au moins une fois avant de quitter ce monde.